insectes et petites bêtes
Les amis de Loxia, en général, sont rencontrés durant les festivals animaliers. Ce n’est pas le cas de Jean Fyot avec qui j’ai fait fortuitement connaissance en revenant du travail dans un lieu pas forcément fréquenté par les amateurs de photographie : à Besançon, près du Doubs. Ce jour là, j’allais rendre visite aux ragondins (vedettes malheureuses du film « Sur la rive » quelques mois plus tard). Il y avait là des habitués avec qui je discutais. Jean, passant là par hasard, s’était joint à la discussion. De fil en aiguille, on commence à parler nature. Très vite, ce n’est pas sans fierté que mon petit camarade m’annonce qu’il est chasseur photographe. Voilà qui tombe bien, je fréquente justement régulièrement ces lieux parce que je pratique, moi aussi ce genre d’activité. À cela près que j'ai plus l'âme d'un ciné-vidéaste que d'un photographe. Et comme le hasard fait bien les choses, nous nous découvrons un ami commun, Jacques M., poète à ses heures. Échange de cartes de visite et Jean, depuis, est devenu ami de Loxia.
La production de Jean est de grande qualité. Il expose régulièrement ses photographies dans les expositions naturalistes comtoises. Cet amateur de nature sauvage nous livre ici quelques impressions en jouant le jeu questions réponses proposé par Loxia.
Loxia : Depuis quand pratiques-tu la photo animalière?
J.F. : Naturaliste depuis l’enfance, photographe Nikoniste de puis 35 ans, j’ai commencé la photo animalière en 2010.
J'ai fait le choix de ne photographier que la faune libre et sauvage dans le plus grand respect de sa tranquillité
Qu'est-ce-qui t'as amené à la photo et plus particulièrement à la photo animalière?
En 1980 un ami m’a prêté un reflex Olympus, et m’a initié tout un week-end, ça a été une révélation !Je me suis rapidement équipé d’un boitier Minolta, d’un 50 mm, j’ai adhéré à un club…. Une passion était née !
En 1986, alors que j’habitais en Alsace, j’ai eu la chance de rencontrer Bernard Million (ancien caméraman de Christian Zuber, réalisateur des émissions " Caméra au poing" diffusées à la télévision de 1972 à 1981). Et tout a commencé !
Dès mes premiers affûts, je me suis rendu compte qu’il fallait énormément de temps pour pratiquer cette activité sans provoquer de dérangement. J’ai pris toute la mesure des phases essentielles de repérages et de connaissance du biotope. Après deux ans de pratique occasionnelle, j’ai réalisé que la photo animalière était incompatible avec l’activité professionnelle si on veut respecter une certaine éthique. J’ai alors décidé d’attendre patiemment la retraite.
Quel est ton animal préféré? Vois-tu une raison à ce choix?
Sans hésitation, le cerf, c’est un animal qui me fascine. Le pister est un vrai bonheur et le comprendre un véritable défi.
Faire une belle photo de cerf est très difficile. Pour réussir à combiner une belle lumière, un beau fond, et un comportement intéressant, il est impératif de bien connaitre l’espèce et son environnement.
Je ne raterai jamais une saison de brame, cela me fait toujours autant vibrer.
Sans trahir de secrets, quelles techniques de chasse photographique affectionnes-tu?
Là aussi, aucune hésitation, l’affût.
C'est de loin ma méthode préférée, le risque de dérangement est moindre.
Et puis la grande émotion, c'est quand l'animal vient en direction de l'affût.... La première fois que ça m'est arrivé, j'étais tellement émerveillé que je n'ai pas eu le réflexe de déclencher !Pas grave, le plaisir reste entier, la meilleure photo c'est celle qui reste dans la tête !
As-tu un modèle parmi les grands noms de la photographie animalière ?
Vincent MUNIER que j’admire pour son éthique exemplaire, et bien sûr pour la qualité de son travail. J’ai eu l’occasion de le rencontrer, c’est un grand monsieur, qui a su rester simple malgré son immense succès.
Comment te situes-tu dans cet art?
On va dire un amateur passionné. Mon grand plaisir, c’est de partager. Par mes photos, je souhaite être le témoin de la vie sauvage, et partager avec le plus grand nombre les merveilleux instants que nous offre la nature.
Quels sont tes projets en cours ?
J’envisage à moyen terme de monter une exposition sur les reflets d’oiseaux. Mais J’ai encore besoin d’un peu de temps pour compléter la collection que je souhaite présenter. Peut-être au printemps prochain, si l’hiver est fructueux.
Quel est ton grand rêve en photo animalière?
Quel est ton grand rêve en photo animalière?
L’arrêt des réseaux sociaux ! Aujourd’hui, c’est devenu un terrible fléau pour la faune sauvage. "Grace" aux réseaux, aujourd’hui en forêt de Chaux, au moment du brame, il y a plus de photographes que de cerfs ! Et quels photographes ! J’en ai vu avec des téléphones portables ! Chacun veut sa photo pour la poster au plus vite sur le réseau et obtenir un maximum de "LIKE" ! Les endroits précis des places de brame sont dévoilés ! C’est d’une tristesse affligeante !
Tout le monde court après les cerfs, ce qui provoque un dérangement extrême. Et comme maintenant les cerfs ne sortent même plus à l’aube ou au crépuscule, ces fameux "photographes" vont les débusquer dans les sous bois. J’ai jeté l’éponge, je ne fréquente plus cette magnifique forêt. Cette année, j’ai trouvé un petit paradis peuplé de quelques cerfs, j’étais seul ! Un luxe inestimable. Jusqu’à quand ? Donc mon plus grand rêve, c’est de retrouver une tranquillité NORMALE dans nos belles forêts.
Ton meilleur souvenir?
En fait, j’en ai deux :
Le premier, c’est un cerf que j’ai suivi pendant trois ans.
Je le connaissais bien, il était le maître de la place de brame. Indélogeable. J’étais souvent à l’affût dans "sa" clairière, j’avais repéré un trou de lumière qui ne durait que quelques minutes en fin de soirée, et j’espérais le voir bramer à cet endroit...
Il n’est passé qu’une fois en trois ans, j’étais là !Puis un jour il a disparu, victime de la chasse.
Il restera à jamais gravé dans ma mémoire. Un plus jeune a pris la place, la vie continue…
Le deuxième, C’est un chamois
J’arrive sur une crête Vosgienne de nuit, Surprise !Il est déjà là, couché. Il m’a vu, mais ne bouge pas. Je m’éloigne à 20 mètres, il m’observe sans bouger. J’avance progressivement jusqu’à 5 mètres (une éternité), je m’allonge, le soleil se lève, pas lui, tout va bien, il m’a accepté…Je suis resté deux heures à ses côtés… un studio en pleine nature !
Ton plus grand regret ?
Je venais d’acheter un nouveau boîtier, après une multitude d’essais sur des sujets classiques, j’obtiens des résultats prometteurs, et je le sors enfin à l’affût. Chance extraordinaire, j’assiste à un défilé de biches qui se rassemblaient après le brame. 19 biches en file indienne. La biche dominante qui mène la danse est somptueuse ! Je connais bien l’endroit, mon affût est parfait. Tout va bien. Pas vu, pas senti. Je mets l’œil dans le viseur, je prends le temps de cadrer avec soin, j’appuie sur le déclencheur……l’appareil s’éteint, plus de batterie ! Mes mains s’affolent dans toutes les poches…rien ! Je n’y crois pas ! La batterie de rechange chargée à bloc est restée dans mon autre veste dans la voiture ! Depuis ce jour, la batterie chargée est dans une pochette accrochée en permanence au trépied. On ne m’y reprendra plus.
Quel conseil donnerais-tu à un débutant ?
Avant d’essayer de photographier la faune sauvage, il est indispensable d’apprendre et de comprendre… Apprendre à lire les indices, multiplier les sorties sur le terrain par tous les temps, observer les comportements, identifier les habitudes, définir les vents dominants, analyser l’évolution de la lumière,… Toute cette phase est longue mais indispensable et passionnante.
Privilégier l’affût, (l’approche a trop souvent des effets désastreux sur la faune.) Un simple filet de camouflage suffit pour débuter. La tranquillité des animaux est prioritaire à la prise de vue. Il est préférable de renoncer à une approche ou à un affût, s'il devait en résulter l'affolement de l'animal, ou l'abandon d'une couvée. Une photo respectable a un prix, celui du respect de l'animal avant tout.
Crédit photos: © Loxiafilms / Jean Fyot - 2018